Exceptionnel secrétaire en laque du Japon, placage de bois de rose et d’amarante et montures de bronze doré d’époque Louis XV, estampillé I.F. DUBUT, vers 1750. Estimation 200,000 — 300,000 €. Photo: Sotheby’s
AN EXCEPTIONAL LOUIS XV GILT-BRONZE MOUNTED TULIPWOOD AND JAPANESE LACQUER SECRÉTAIRE, STAMPED I.F.DUBUT, CIRCA 1750
la façade cintrée ouvrant par un tiroir en doucine, un abattant découvrant six casiers et trois tiroirs dont un muni d’une encrier et d’un poudrier et par deux vantaux découvrant un coffre et une étagère. Haut. 122 cm, larg. 64 cm, prof. 32 cm – Height 48 in; width 25 1/4 in; depth 12 2/3 in.
PROVENANCE: Acquis auprès de la galerie Aveline, Jean-Marie Rossi, Paris
LITERATURE: Catalogue de la Biennale des Antiquaires, Paris, 1998, p. 41.
Reproduit dans le magazine l’Estampille, n. 327, septembre, 1998, p. 37
Jean-François Dubut (mort en 1778), artisan Privilegié du Roi.
Un meuble d’une grande rareté
Ce meuble exceptionnel appartient à un groupe de quatre secrétaires dont il constitue l’exemple le plus abouti. Exécutés par l’ébéniste Jean-François Dubut, très certainement durant la décennie 1750, et de dimensions similaires, tous les quatre ont la particularité de présenter une façade de forme violonnée combinée à un décor de panneaux de laque du Japon d’une grande qualité.
L’un est conservé au musée des Arts Décoratifs à Paris : le plus simple de la série, il porte l’estampille de Leleu qui intervint très probablement comme restaurateur (ill. dans A. Theunissen, Meubles et Sièges du XVIIIe siècle, pl. XLI).
Le secrétaire conservé au Musée des Arts décoratifs de Paris
Le second appartient à la collection Wrightsman du Metropolitan Museum de New York (ill. dans F.J.B.Watson, The Wrightsman Collection, t.I, n°104) et comporte un décor plus riche.
Le secrétaire conservé à la Wrightsman Collection de New York
Le troisième, provenant de la célèbre collection Lehmann, fut vendu à Paris, le 4 juin 1925, lot 118.
Notre secrétaire rivalise en somptuosité avec ce dernier : rien ici n’est négligé pour mettre en valeur la beauté du laque, tant par les riches ornements de bronze, ciselés et dorés avec virtuosité, que par le savant placage en frisage des bois de violette et bois de rose.
Ce type de meuble constitue le fruit de la collaboration étroite entre ébénistes et marchands-merciers, ces derniers fournissant panneaux de laque et garniture de bronze doré de premier choix à ceux qu’ils jugent les meilleurs artisans. Dubut, en relations commerciales avec Lazare Duvaux, travailla également avec les deux marchands associés, Michel Hécéguère et son gendre Simon-Philippe Poirier. Selon T. Wolvesperges (in Le Meuble français en laque au XVIIIe siècle, pp.177-178 et 292), c’est sans doute pour eux que Dubut réalisa cette petite série de secrétaires, destinée à une clientèle aristocratique fortunée.
Ce modèle de secrétaire violoné était très demandé par ces marchands merciers qui en commandèrent à Dubut et à d’autres grands ébénistes tels que BVRB. Les autres modèles de Dubut connus ne sont pas ornés de précieux panneaux de laque mais d’élégantes marqueteries en bois de bout à décor floral.
Parmi ceux-ci, citons :
– Un secrétaire provenant de la collection Hillingdon à Messing Park, vendu chez Sotheby’s Londres, le 6 juillet 1929, lot 225
– Une paire de secrétaire vendue par la galerie Didier Aaron
– Un grand secrétaire (H : 114 cm) en marqueterie d’ivoire conservé au Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg
– Un secrétaire provenant de la vente Hastings Wilson, vente Christie’s Londres, le 24 mars 1949, lot 93
– Un secrétaire moins violoné provenant de la collection Dewar, vente Sotheby’s Londres, le 16 décembre 1966, lot 174
Citons aussi parmi les secrétaires estampillés d’autres ébénistes :
– Un secrétaire estampillé BVRB cité par Dell (The Frick Collection, 1992, vol. V, p. 288) lors d’une exposition à Buenos Aires en 1968
– Un secrétaire plus néoclassique, estampillé par Oeben provenant de la collection Patiño, vent à Paris le 26 novembre 1975, lot 119 (illustré dans P. Kjellberg, Les Ebénistes du XVIIIe siècle, Les Editions de l’Amateur, Paris, 1989, p. 617).
– Un secrétaire estampillé par Migeon provenant de la collection Farman, vente à Paris le 15 mars 1973, lot 95. Migeon a dû intervenir en tant que marchand pour cette pièce sans doute exécutée par Dubut (illustré dans P. Kjellberg, op. cit., p. 571).
Enfin, ce modèle devint l’une des pièces les plus appréciées au XIXe siècle comme en témoignent les nombreuses pièces exécutées par les plus grands ébénistes de cette époque comme Dasson, Monbro, Sormani ou Durand. La Frick Collection de New et le Victoria and Albert Museum de Londres conservent des exemplaires de cette époque.
Jean-François Dubut
Peu d’informations nous sont parvenues sur cet ébéniste dont on ne connaît pas sa date d’accession à la maîtrise. P. Kellberg émet l’hypothèse qu’il n’a jamais sollicité cette maîtrise et qu’il a estampillé ses œuvres en tant qu’artisan privilégié du Roi. Sa production semble avoir été importante comme en témoigne la vente publique de son stock à sa mort le 11 mai 1778 où étaient proposés des « bibliothèques, secrétaires en armoire unis et à cylindre, tables à la duchesse, vuide-poches, tables ovales et rondes, à gradins et à cylindre, tables dites mignonnettes, tables de nuit, bureaux, encoignures, commodes, chiffonnières, toilettes, paravents, écrans, le tout en bois des Indes ».
Certains très beaux meubles parvenus jusqu’à nous témoignent du grand talent de cet artisan. Parmi ceux-ci, autres que ses fameux secrétaires violonés, citons une extraordinaire commode Louis XV, d’un dessin très original, à deux tiroirs sans traverse, ornée de laque noir et or qui figurait dans la collection de Madame de Polès, vente Galerie Georges-Petit du 22 au 24 juin 1927 (n° 260). Un précieux bureau plat et son cartonnier ornés de panneaux de laque de Chine méritent aussi d’être cités : ils furent vendus au Palais Galliera à Paris en 1974
Sotheby’s. L’œil d’un collectionneur Important Mobilier, Objets d’Art et Tableaux du XVIIIe siècle, Paris | 05 nov. 2014, 02:30 PM